Après m'être documenté sur la Garde Nationale au travers de divers récits pour différentes époques (1848 et 1870) en relation avec les Duffié, je me plonge actuellement dans la période de la première guerre mondiale.
Voici un écrit de Charles Chenu, descendant Tillier/Rodier.
LES DÉCORATIONS RUBANS, ROSETTES ET CRAVATES
9 novembre 1914.
extrait de "de l'arrière à l'avant" de Charles Chenu, Plon-Nourrit et Cie, 1916
J'espère
ne chagriner personne en constatant que les décorations avaient, bien
avant la guerre, perdu, sinon leur attrait, du moins leur prestige. S'il
n'y en avait pas assez pour satisfaire l'appétit de tous les affamés,
il y en avait trop pour qu'elles pussent conserver leur valeur
distinctive.
La Légion d'honneur n'avait pas échappé à ce
discrédit. La pluie rouge était tombée si abondante et si drue que les
gouttes s'en étaient réparties au petit bonheur et sans choix. Des
hommes qui sont la gloire du pays et assurent son renom dans le monde ne
piquent au revers de leur habit ni ruban ni rosette, tandis
que d'autres, trop peu connus ou trop, en présentent l'assortiment aux
regards étonnés. C'est ainsi que, par une loi aussi impérieuse que celle
des proportions, plus les légionnaires devenaient légion, moins ils
devenaient d' honneur.
Mais voici la guerre et voici qui change.
Chaque
jour nous apporte le récit de prouesses devant lesquelles nous restons
prosternés d'admiration et de reconnaissance. Tous, officiers ou
soldats, tous, bourgeois, ouvriers ou paysans, tous rivalisent de
courage, de dévouement et d'abnégation. Et la liste s'allonge sans cesse
de ces noms tirés brusquement de leur ombre pour être projetés dans une
pure et radieuse lumière par des actions d'éclat qui déconcertent
l'imagination. Qui de nous n'en a fait l'expérience? Si le doute nous
effleure et si l'impatience nous gagne, il suffit de faire la lecture de
ces citations à l'ordre du jour. C'est un bain d'énergie où se retrempe
et se tonifie l'esprit, où se noient toute inquiétude et toute
désespérance.
Comment reconnaître et acquitter la dette contractée par la patrie envers ses enfants? Un seul moyen : la décoration.
Médaille militaire ou Légion d'honneur.
Ruban jaune ou ruban rouge. C'est bien, mais à une condition.
La médaille militaire ne prête à aucune confusion. Le ruban jaune parle un clair langage qui ne peut abuser personne.
Mais le ruban rouge?
Quoi!
le même insigne pour ce vaillant qui a mis le premier la main sur la
hampe d'un drapeau ennemi et pour ce jeune homme qui a recueilli ce
rouge souvenir de son court passage dans le cabinet d'un ministre qui
lui voulait du bien!
La même rosette pour ce commandant qui,
malgré la mitraille et ses blessures, a entraîné ses hommes au combat,
et ce très digne fonctionnaire dont on a récompensé avec raison les longues années de service et de fidélité !
La
même cravate à ce général qui par sa tactique et sa hardiesse a amené
sa division au point et à l' heure voulus pour décider de la victoire,
et à ce somptueux financier qui, dans le maniement de l'épargne
française, ne paraît pas avoir sacrifié ses intérêts!
Cela, impossible.
Il
ne faut pas qu'après la paix vous ou moi soyons exposés à nous
découvrir devant l'ancien attaché de cabinet, l'honnête fonctionnaire ou
le riche banquier, croyant saluer le soldat, le commandant ou le
général. J'en appelle à la probité des membres de la Légion d'honneur.
C'est à eux de se refuser à une confusion dont ils auraient autant de
honte que d'un abus de confiance.
Le moyen? Oh! si simple.
Il
ne s'agit pas de porter atteinte à des droits acquis, ni de supprimer
l'Ordre, nid'en créer un autre. Une mesure très facile suffirait.
On
a actuellement le droit de porter l'insigne comme on veut, ou large ou
mince, suivant son goût pour la toilette ou discrète ou voyante. Il
suffit de réglementer les dimensions, largeur du ruban ou de la cravate
ou du cordon, diamètre de la rosette.
Un millimètre au ruban
civil, trois au ruban donné pour faits de guerre, mais rien que pour
faits de guerre. Un demi-centimètre de diamètre à la rosette civile, un
centimètre à la rosette militaire. Ainsi du reste.
J'ai le droit
de faire condamner à la prison celui qui me vole mon argent. Je ne veux
pas qu'on vole aux héros qui nous préparent aujourd'hui, qui nous
assureront demain la victoire, l'hommage et la gratitude de la France.
(Le Gaulois.)
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